Souveraineté numérique

La France peut-elle sauvegarder sa souveraineté numérique ?

Souveraineté numérique
Wargame en 1983 est l’un des premiers films à introduire l’Internet (l'ARPANET) comme héros principal du film.

Un combat perdu d'avance ?

Contrairement à d'autres pays européens, la France était l’un des rares pays à pouvoir se permettre une politique de souveraineté en matière de numérique.

Malheureusement depuis 20 ans tout a été fait pour nous rendre dépendants d’une infrastructure numérique que nous ne contrôlons ni économiquement, ni technologiquement ni culturellement.

🤔
Nous n’étions qu’une poignée à nous inquiéter de ces questions à l’époque. 

De mon côté, j'ai tenté d'alerter à cinq reprises sur les risques d’une telle dépendance.

1️⃣
Au début des années 2000 lors de la bataille du MP3 en m’opposant aux grandes plateformes de musique en ligne qui voulaient enfermer la culture européenne dans leurs technologies propriétaires.
2️⃣
En tant qu’entrepreneur, lorsque je me suis retrouvé avec mes startups Netvibes et Jolicloud en concurrence frontale avec Google (2005-2015). J'étais aux premières loges de la naissance des GAFAM et étais témoin de l’absence totale de soutiens politiques en France vis-à-vis de ceux qui voulaient développer des alternatives viables.
3️⃣
En inspirant la création d’un eG8 (2011) en marge du G8 présidé par Nicolas Sarkozy et en imposant des entrepreneurs européens sur les panels qui étaient initialement dédiés exclusivement aux acteurs de la Silicon Valley.
4️⃣
En tant que Vice-président du Conseil National du Numérique et parallèlement dans le cadre d’une mission de préfiguration de la French Tech (2013) qui m’avait été confiée par le Premier ministre et la Secrétaire d'État au numérique Fleur Pellerin.
👩‍💻
J’avais mis en avant une politique d’innovation basée sur la promotion des développeurs, l’émancipation par le logiciel et la souveraineté numérique fortement relayée par la presse. La ministre suivante, Axelle Lemaire, s’en est fortement inspirée pour la création du Visa Pass French Tech et la création d’une direction du numérique (Dinum).
5️⃣
Enfin, juste avant la crise sanitaire (2019), en alertant sur le choix fait par le Health Data Hub de choisir le Cloud de Microsoft et en permettant d’ouvrir le débat sur la question du choix des hébergements pour les services critiques de l’État avec la publication d’un essai «Lettre à ceux qui veulent faire tourner la France sur l’ordinateur de quelqu’un d’autre».

Je continue d’intervenir dans les médias pour alerter sur les conséquences d'une perte de notre souveraineté numérique. J'ai également publié un article dans les Annales des Mines.

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Mes essais sur la souveraineté numérique ont eu beaucoup de succès. Ils seront republiés sous la forme de livre par Cybernetica.
🧠
Pour répondre aux défis des prochaines années, je lance un Think Tank.

Sortir de la naïveté

Longtemps taboue, la souveraineté numérique est désormais sur toutes les lèvres.

Il faut dire que l'élection de Trump et son discours anti-européen et anti-OTAN, la guerre froide technologique entre les États-Unis et la Chine, la crise du Covid ou la guerre en Ukraine ont révélé des divergences d’intérêts et de valeurs importantes entre l'Europe et le reste du monde, mais aussi entre pays européens. Pour le gouvernement français, continuer à ignorer la question de la souveraineté numérique n’était plus tenable.

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Les nouvelles alliances géopolitiques et les nouvelles évolutions technologiques notamment dans le domaine de l’IA générative changent les termes du débat. Il est important de réfléchir aux nouveaux scénarios de sortie de crise.

Sortir de la caricature

Contrairement à ce qui a souvent été affirmé, défendre l’idée d’une souveraineté numérique ne veut pas dire être anti-européen ou anti-GAFAM.

🇪🇺
Il existe en Europe une centaine d’entreprises qui ont construit les briques nécessaires pour construire une alternative : la stack d’émancipation. Mais les États préfèrent utiliser les briques technologiques américaines et chinoises.
Nous avons alloué beaucoup d’argent public de l'Europe et de la France aux grandes plateformes monopolistiques américaines et chinoises à travers des projets de recherches. Nous avons ouvert sans contraintes nos marchés intérieurs.
🆘
Nous aurions du soutenir l’ensemble des acteurs publics et privés qui nous fournissent des capacités technologiques d’émancipation. C’est vrai pour le Cloud, mais aussi pour l’intelligence artificielle et le Edge computing.

Dans un monde géopolitiquement incertain, nous pourrions nous appuyer sur cette stack technologique indépendante pour renforcer nos infrastructures essentielles.

🏗️
C’est le projet d’infrastructure nation, une politique de grands travaux numériques 2.0 en France et en Europe pour renforcer notre indépendance et notre sécurité numérique, économique et militaire que j’appelle de mes vœux depuis 2012.
Car, il faut bien comprendre qu’une partie non négligeable de nos investissements publics (l’IA et Cloud) finance des partenariats entre nos centres de recherche et les grands acteurs américains (ou chinois) du numérique. Ce qui revient indirectement à financer la recherche et le développement des nouvelles capacités militaires (notamment basées sur l’IA) de leurs pays respectifs.

Il est important que le secteur du numérique retrouve le même niveau de criticité que les questions de souveraineté énergétique, alimentaire, militaire et industrielle. Une forme de retour aux sources.

Revenir aux origines de la souveraineté numérique

Voulu par Jean Jacques Servan Schreiber, le Centre mondial de l’informatique (1983) à permis à une génération de jeunes français (dont moi) de découvrir l’informatique version MIT.

Elle s’inscrit dans une histoire française du numérique souvent mal connue ou caricaturée. Pourtant chacun d’entre nous devrait connaître et vouloir prolonger l’héritage et la vision singulière du numérique français.

Après la Deuxième Guerre mondiale, alors que le plan Marshall conditionne économiquement la reconstruction de l’Europe, deux pays, la France et l’Angleterre, décident de s’émanciper des restrictions imposées par les États-Unis pour développer leur propre filière informatique.

Ces deux pays l’ont bien compris : sans ordinateur il n'est pas possible de créer une bombe atomique. Et sans dissuasion nucléaire, il aurait été probablement impossible pour la France de peser au niveau international en pleine Guerre Froide.

L’informatique qui au départ est un élément indispensable pour maîtriser son destin militaire se transforme rapidement en un outil de domination économique.

Création de l’INRA future INRIA (1967)

À cette époque, la France est considérée comme l’une des nations les plus avancées sur le développement de ces technologies (avec par exemple le premier micro-ordinateur inventé par François Gernelle) mais ce leadership et sa vision singulière du numérique seront trahis par l’État français au moins à trois reprises :

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Par idéologie : dès les années 70 en ne choisissant pas CYCLADE l'architecture décentralisée de Louis Pouzin (qui deviendra la base de l’Internet aux États-Unis) et lui préférant un modèle centralisé et propriétaire (X25) pour équiper le Minitel, et en n'acceptant que du bout des doigts et très tardivement le Web.
👎
Par manque d'ambition : à la fin des années 90 en refusant de soutenir Linux, pourtant inventée en Europe et très populaire chez les développeurs français, lui préférant les partenariats entre les SSII et les grands acteurs de logiciels américains pour construire notre informatique d’État.
😷
Par facilité : Malgré la controverse sur l’hébergement des données de santé (Health Data Hub) se fait sur le cloud de Microsoft.
💡
Secnum Cloud : le gouvernement n’interdit pas aux grandes plateformes américaines d’héberger les données sensibles, mais elles devront le faire par la création de joint-venture avec des acteurs Français et dans le respect de la norme dite Sec Num Cloud. Une décision qui désavantage la filière locale du cloud.

Quel avenir pour la souveraineté numérique ?

La guerre en Ukraine et les nouvelles tensions géopolitiques ont accéléré la militarisation et la fragmentation de l’Internet. Elles ont aussi clarifié les allégeances des grandes plateformes numériques américaines et chinoises à la politique étrangère de leur pays d'origine.

La couverture de The Economist consacrée à la guerre froide technologique.

Elle oblige l’Europe à jongler simultanément avec trois stratégies : Au niveau de l’OTAN, au niveau de l’Europe et au niveau des intérêts de chaque nation.

  • Ces stratégies ne sont pas forcément convergentes, même si elles doivent s’articuler intelligemment.
  • Dans ce contexte, il va falloir repenser la défense des citoyens, des entreprises et des intérêts vitaux des États. Cela nécessite de nouvelles stratégies numériques et une politique active de résilience.
  • Il ne s’agit plus de mettre des garde-fous éthiques et des nouveaux textes des lois mais de mettre rapidement en ligne des produits et services alternatifs (notamment le EDGE computing) qui seront essentiels en cas de défaillance du réseau mondial (sabotage de câbles sous-marins ou satellites par exemple).

Ces nouveaux défis auxquels nous allons devoir faire face sont inédits dans l'histoire de l’internet.

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