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Le deal Groq–Nvidia est-il important ?
Comme nous l’avions dit précédemment, il y a surement une bulle de l’infrastructure IA qui va se dégonfler à un moment, mais pour l’instant, la course contre la montre ne se tarie pas, elle accélère. Nous avions déjà vu que le deals croisées de Nvidia, Google et Amazon sont aussi des deals d’accès à leurs puces IA, et la garantie qu’elles seront utilisées en 2026 (puisqu’on a prêté à Anthropic et OpenAI l’argent pour les acheter).
Mais il ne faudrait pas oublier la bataille entre leaders pour conserver leur place. Nvidia est le meilleur à ce jeu semble-t-il. Comme nous allons le voir, l’accord à 20 milliards de dollars entre Nvidia et Groq qui vient d’avoir lieu n’est pas une acquisition conventionnelle.
Présenté comme un simple contrat de licence non exclusif, il s’agit en réalité d’un acquihire inversé : une extraction ciblée des talents, de la propriété intellectuelle et du positionnement stratégique, tout en maintenant l’illusion d’indépendance de l’entreprise.
Ce type d’opération, sans rachat officiel, permet à Nvidia de neutraliser une menace sans attirer l’attention des régulateurs. Il s’inscrit dans une série de mouvements similaires par Microsoft (Inflection), Google (Character), Amazon (Adept) et Meta (Scale AI), tous visant à désamorcer les concurrents avant qu’ils ne deviennent trop puissants.
Groq était le seul acteur alternatif déjà déployé dans des environnements souverains critiques, notamment dans les universités travaillant pour le département de la défense. Sa disparition comme acteur indépendant marque un tournant dans la consolidation de l’infrastructure mondiale de l’IA.
Il faut tout d’abord comprendre comment ce deal s’est structuré :
- Le CEO Jonathan, le président et les équipes techniques clés de Groq ont rejoint Nvidia.
- La technologie centrale, dont le Language Processing Unit (LPU), a été transférée via une licence non exclusive.
- Groq conserve une existence juridique, un nouveau CEO et une activité minimale, mais sans son noyau stratégique. On parle souvent de zombie startup.
L’intérêt de cette méthode, c’est d’éviter toute alerte réglementaire liée à une acquisition formelle.
J’avais revu Jonathan, le fondateur de Groq (et inventeur du TPU chez Google) à la première édition de Raise.ai, et en l’écoutant j’ai fini par comprendre en quoi sa société représentait une menace stratégique à long terme pour Nvidia.
- Contrairement aux GPU classiques, le LPU de Groq intègre calcul et mémoire dans une seule architecture cohérente, permettant une exécution rapide et prévisible.
- Ce système offrait une alternative directe au modèle CUDA de Nvidia, avec des gains en vitesse, en stabilité et en consommation d’énergie.
- Il était particulièrement adapté aux charges d’inférence en temps réel, avec déjà des déploiements dans des institutions critiques comme les laboratoires d’Argonne, Sandia et Livermore, qui travaillent tous pour la défense et ont des besoins en IA souveraine.
- En cas d’adoption croissante, cela aurait permis à d’autres acteurs de se passer de l’écosystème logiciel de Nvidia, une chose que ne peut pas se permettre le leader du secteur.
Jensen, le big boss, a donc agi vite, selon une stratégie industrielle désormais bien rodée et qui ont déjà été menées dans le domaine de l’IA :
- Microsoft (Inflection) a intégré les fondateurs et les équipes. La société a abandonné le marché grand public pour se recentrer sur une offre entreprise, avec un retour modeste pour les investisseurs.
- Google (Character AI) a signé un accord pour rapatrier ses cofondateurs (qui n’avaient pas été écoutés à l’époque chez Google, une belle revanche). L’entreprise a cessé de développer des modèles LLM pour se concentrer sur sa plateforme. L’accord est aujourd’hui examiné par les autorités antitrust.
- Amazon (Adept) a intégré les dirigeants et recentré l’entreprise sur des solutions d’IA spécialisées pour entreprises.
- Meta (Scale AI) a suivi une logique similaire avec son CEO, Alexandr Wang, qui a repris la main sur l’IA, poussant au départ Yann LeCun.
Curieusement, Yann LeCun et Alexandre Lebrun semblent recourir à une stratégie similaire pour structurer une levée de fonds : malgré une levée récente de 70 millions de dollars, Nabla voit son fondateur rejoindre AMI, la nouvelle startup lancée par LeCun avec un deal croisée.
Dans chaque cas, le modèle est le même : absorber le potentiel, vider la startup de sa substance, tout en contournant les contraintes réglementaires. Pour l’instant, ça semble marcher.
Groq n’était pas seul, mais était en avance
Plusieurs autres acteurs poursuivent des approches alternatives :
- Cerebras (fondé par Andrew Feldman) : architecture originale à grande échelle, mais orientée vers l’entraînement, non l’inférence rapide. Cerebras semble avoir un accord de collaboration avec Mistral AI.
- Tenstorrent (dirigée par Jim Keller, ancien d’Apple, AMD, Intel et Tesla) : bonne équipe technique, mais faible traction commerciale et positionnement plus proche des processeurs (CPU) que des accélérateurs IA.
- Graphcore (cofondée par Nigel Toon et Simon Knowles) : en net recul après un démarrage prometteur ; a perdu des parts de marché et des investisseurs stratégiques.
- Etched (fondée par Gavin Uberti, Chris Zhong et Ben Solomon) : encore en développement, focalisée sur un cas d’usage restreint ( l’accélération des transformeurs statiques).
Seul Groq disposait d’un produit pleinement opérationnel, déjà adopté dans des contextes stratégiques, avec une architecture réellement distincte et orientée inférence.
Car la vraie bataille qui se prépare n’est pas une bataille de matériel, mais bien de logiciel:
- Toute l’industrie IA repose aujourd’hui sur CUDA, la plateforme logicielle de Nvidia.
- Des millions de développeurs y sont formés, les outils comme PyTorch y sont profondément intégrés.
- Sortir de cet écosystème coûte des millions de dollars et plusieurs mois d’ingénierie.
- Groq permettait de contourner ce verrou en livrant les résultats via API, sans réécriture logicielle lourde.
Même une excellente puce ne suffit pas sans un logiciel compatible. Groq contournait cette dépendance. Google, avec son TPU, est encore loin d’avoir convaincu les développeurs de la simplicité de migration.
Mais il y a une autre raison pour laquelle Nvidia a acheté Groq, et elle ne peut l’admettre publiquement. (suite du décryptage pour les abonnés payants)
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